3.1 Description3.1.1 Classification3.1.2 Épidémiologie3.1.3 Pathophysiologie3.1.4 Facteurs contributifs3.1.6 Références3.2 Évaluation3.3 Traitement
Critères
Selon l’IHS, la classification actuelle suggère que ces types de céphalées peuvent être secondaires à différentes structures se situant au niveau de la tête [12]:
11. Céphalée ou douleur faciale attribuable à un désordre du crâne, de la région cervicale, des yeux, des oreilles, du nez, des sinus, des dents, de la bouche ou de toute autre structure de cette région11.1 Céphalée attribuable à un désordre des os crâniens11.2 Céphalée attribuable à un désordre de la région cervicale11.2.1 Céphalée cervicogénique11.3 Céphalée attribuable à un désordre des yeux11.4 Céphalée attribuable à un désordre des oreilles11.5 Céphalée attribuable à un désordre du nez ou des sinus paranasaux11.6 Céphalée attribuable à un désordre des dents ou de la mâchoire11.7 Céphalée attribuable à un désordre de l’articulation temporo-mandibulaire11.8 Céphalée attribuable à une inflammation du ligament stylohyoïdien11.9 Céphalée attribuable à un autre désordre au niveau de la tête
11.2.1 Céphalée cervicogéniqueA. Toute céphalée remplissant le critère CB. Évidences cliniques, de laboratoire, ou par imagerie d’un désordre ou d’une lésion dans le rachis cervical ou les tissus mous environnants, pouvant irradier à la têteC. Évidence de causalité démontrée par au moins deux des points suivants:1. La céphalée s’est développée dans la même période que l’apparition d’un désordre ou d’une lésion du rachis cervical ou des tissus mous environnants2. La céphalée s’est significativement améliorée avec l’amélioration ou la résolution du désordre cervical3. L’amplitude de mouvement cervicale est réduite et la céphalée est significativement pire avec des manœuvres provocatrices4. La céphalée est temporairement abolie suite à un bloc diagnostique d’une structure cervicale ou d’un nerf correspondantD. Ne correspond pas mieux à un autre diagnostic de l’ICHD-3.
Commentaires
N.B. : Les lettres font références aux critères énumérés ci-haut
B. Quoique l’IHS mentionne comme critère la présence d’évidences cliniques, de laboratoire, ou par imagerie d’un désordre ou d’une lésion cervicale, il est à noter que l’imagerie par radiographie et résonance magnétique s’avèrent inefficaces pour démontrer des changements pathologiques dans le rachis cervical chez des personnes souffrant de CGH [28-30,157]. Le rôle de la physiothérapie devient ici évident par notre capacité à détecter des dysfonctions articulaires, musculaires, ou ligamentaires, notamment. Tel qu’il sera discuté dans la section physiopathologie, c’est particulièrement la région cervicale haute (C0-C3) qui doit mériter le plus notre attention. Toutefois, notons que certains auteurs ont suggéré qu’une atteinte cervicale basse puisse parfois induire une CGH, particulièrement après un trauma [74,75]. D’ailleurs, le soulagement d’une CGH par des procédures chirurgicales cervicales basses a été rapporté [59]. De plus, des observations cliniques suggèrent que la région thoracique haute peut également parfois influencer les symptômes en lien avec une CGH [60]. Notons toutefois que la région cervicale basse ne fait pas l’unanimité comme source contributive potentielle à la CGH. D’ailleurs, des chercheurs n’ont pas pu reproduire les symptômes de patients CGH à l’aide de la stimulation des disques intervertébraux inférieurs, contrairement à la stimulation du disque intervertébral C2/C3 [107,108]. Malgré tout, la région cervicale dans son entièreté ainsi que la région thoracique haute devraient faire partie de l’évaluation de routine pour les céphalées, mais la région cervicale haute demeure sans contredit la région de prédilection à considérer avec plus d’attention.
C1. Notons que si les douleurs cervicales précèdent celles à la tête, plutôt que l’inverse, la probabilité de correctement identifier la présence d’une CGH augmente significativement [110].
C3. Il y a des évidences que l’amplitude articulaire cervicale soit effectivement limitée dans le cas de CGH, contrairement à la céphalée de tension (TTH) et la migraine [34,37,55,56]. Notons toutefois que quelques études, moins nombreuses, ne corroborent pas ces données [36,114]. De plus, la palpation provocatrice de la région cranio-vertébrale n’est pas exclusive à la CGH [22,31]. De la même façon, il est possible d’avoir une dysfonction cranio-vertébrale sans céphalée ou douleur cervicale. Il faut toujours avoir une vue d’ensemble de la problématique et s’appuyer sur plusieurs critères pour prendre ses décisions.
C4. En fait, le bloc anesthésique est le seul gold standard mais ce dernier doit être fait sous imagerie pour s’assurer de sa validité [32]. Les blocs de la région cervicale haute, en particulier aux niveaux atlanto-occipital et atlanto-axoïdien, ne sont pas non plus sans risque [151]. Un AVC de la circulation postérieur a d’ailleurs été rapporté suite à une injection de stéroïde en intra-articulaire à C1/C2 [152]. Son accessibilité est ainsi limitée et ne peut donc être utilisé de routine [33]. À noter que différents endroits spécifiques peuvent être visés par un bloc anesthésique (Figure 1). En contrepartie, l’addition de certaines observations augmente significativement la sensibilité et la spécificité d’une détermination positive quant à la présence d’une céphalée d’origine cervicale [34-35]. Nous y reviendrons dans la section sur l’évaluation des CGH.
Figure 1 : Vues postérieures et latérales des différents sites (en rouge) de blocs anesthésiques pour céphalée cervicogénique [117]. AOJ: atlanto-occipital joint; C3 DMB: C3 deep medial branch block; C4mb: medial branch of the C4 dorsal ramus; dmb: deep medial branch of the C3 dorsal ramus; LAA IAB: intra-articular block of the lateral atlanto-axial joint; LAAJ: lateral atlanto-axial joint; ton: third occipital nerve; TONB: third occipital nerve block; ZJ: zygapophysial joint.
Par ailleurs, considérant les critères d’identification de l’IHS, il n’est donc pas requis qu’il y ait absence de symptômes migraineux, tels que photophobie, phonophobie, nausées, vomissements, ou autres. L’IHS rapporte notamment que certains caractères migraineux peuvent être présents lors de céphalée cervicogénique, mais à un degré moindre, tels que nausées, vomissements, photophobie et phonophobie [12]. Il semble être possible de retrouver également une instabilité posturale, des troubles visuels homolatéraux, une difficulté à déglutir, et un œdème homolatéral, le plus souvent périorbitaire [17].
La présence de ces symptômes peut par ailleurs aider à différencier une migraine ou une céphalée cervicogénique d’une céphalée de tension, cette dernière ne comportant jamais, théoriquement, ces caractères migraineux [77]. Quoique la présence de douleurs myofasciales cervicales devrait plutôt diriger le diagnostic vers une céphalée de tension [77], la présente classification permet pour le moment de considérer ce type de céphalée comme étant une sous-catégorie de céphalée prenant origine dans le cou, tout comme les céphalées attribuables à une radiculopathie de la région cervicale haute :
11. Headache or facial pain attributed to disorder of the cranium, neck, eyes, ears, nose, sinuses, teeth, mouth or other facial or cervical structure11.2 Headache attributed to disorder of the neck11.2.1 Cervicogenic headache11.2.2 Headache attributed to retropharyngeal tendonitis11.2.3 Headache attributed to craniocervical dystonia11.2.4 Headache attributed to upper cervical radiculopathy11.2.5 Headache attributed to cervical myofascial pain
5. Headache attributed to trauma or injury to the head and/or neck
Il est également important de réaliser qu’une douleur cervicale accompagnant une céphalée ne signifie pas que cette dernière soit d’origine cervicale.
En effet, une migraine ainsi qu’une céphalée de tension peuvent également présenter une douleur cervicale, compliquant davantage le diagnostic [14,20-21]. Il est estimé que jusqu’à 60 à 80% des gens aux prises avec des céphalées fréquentes intermittentes rapportent une cervicalgie en association avec leur céphalée [34].
Caractéristiques de la céphalée
Quoique ces caractéristiques ne soient pas mentionnées dans les critères d’identification de l’IHS, elles sont généralement acceptées :
- Douleur crânienne unilatérale légère à modérée, non pulsatile, irradiant habituellement (mais pas nécessairement) de la région cervicale [13] ;
- La douleur à la tête est généralement toujours du même côté, d’une attaque à l’autre [15] ;
- La douleur à la tête est parfois accompagnée d’un inconfort du membre supérieur ipsilatéral [2, 17] ;
- Épisodes de durée variable [17] ;
- Douleur fluctuante sur fond continu [17] ;
- Ne répond pas à la prise de médication tels qu’ergotamine ou triptans, contrairement à la migraine, généralement [16-17] ;
- Ne varie pas selon le statut hormonal [18].
La douleur unilatérale qui a tendance à rester toujours du même côté fait contraste avec la céphalée migraineuse usuelle. Cette dernière a en effet plutôt tendance à varier de côté d’une crise à l’autre. Toutefois, ceci a été remis en cause récemment. Il a été proposé que le disque C2/C3 soit responsable de la douleur qui peut varier d’un côté à l’autre. Faisant suite à ses observations, Watson a ainsi mentionné que C2 est presque invariablement pivotée en direction opposée à la céphalée lors de CGH [150]. Ainsi, cette rotation changerait de côté lorsque la douleur voit sa latéralité alterner.
La rotation serait due selon lui à une réaction musculaire du muscle oblique inférieur de la tête, compte tenu de sa quantité énorme de récepteurs proprioceptifs, en réaction à des changements sous-jacents au sein du disque intervertébral. Sans nécessairement approuver ni infirmer sa théorie du disque C2/C3, en fonction de mes propres expériences, je suis personnellement en accord avec le fait que la douleur d’une CGH peut changer de côté, tout comme une sciatalgie peut parfois changer de côté.
Il est à noter également que des douleurs bilatérales surviennent à l’occasion lors d’une CGH. Pour se sortir de l’impasse causée par les critères diagnostiques, certains auteurs ont suggéré qu’il puisse alors s’agir de douleurs unilatérales des deux côtés [103,113]. N’oublions pas qu’il ne faut pas considérer isolément chacun des critères; c’est plutôt l’association des différents critères qui donne de la force au diagnostic.
Limitations de la classification
Malgré ces critères précis, le thérapeute va souvent avoir de la difficulté à déterminer la catégorie précise d’une céphalée. Plusieurs études décrivent trois raisons principales [35,110,112] :
- Il y a beaucoup de redondances des symptômes entre les différentes catégories de céphalées.
- Au cours de l’histoire de leur céphalée, les patients vont souvent décrire un changement des symptômes avec les années.
- Plusieurs patients présentent plus d’un type de céphalées.
Ceci est bien illustré par le fait que 30% des patients CGH qualifient également pour le diagnostic de migraine, selon les critères de l’ICHD [111]. Par ailleurs, Sjaastad a écrit que jusqu’à 50% de ses patients avec céphalées cervicogéniques présentent des symptômes tels que nausée, vomissements, photophobie, et 27% décrivent même une douleur pulsatile.
Il faut comprendre que cette classification est particulièrement importante à des fins de recherche afin d’avoir des groupes de sujets d’études aussi homogènes que possible, ainsi que dans un contexte de communication avec d’autres professionnels de la santé. Dans un cadre strictement physiothérapeutique, ceci perd toutefois de son importance. À titre d’exemple, devrait-on s’empêcher de traiter une dysfonction temporo-mandibulaire dans un contexte où un diagnostic de CGH a été attribué? Nous reviendrons plus loin sur les liens entre les différentes régions anatomiques de la tête et le rôle du noyau trigéminocervical dans la pathophysiologie de différents types de céphalées. L’importance de tenir compte de l’ensemble des facteurs de risque prendra alors tout son sens. Par ailleurs, la classification de l’ICHD est parfois remise en question par certains auteurs pour une utilisation dans un contexte clinique, non seulement pour la CGG, mais également pour l’ensemble des céphalées [102,103]. Un groupe de cliniciens a d’ailleurs développé une liste de critères, connue comme étant la liste des critères du CHISG (The Cervicogenic Headache International Study Group) [103]. Les critères précis de cette liste ne seront pas abordés ici car le présent auteur est d’avis que les points importants ont déjà été traités dans le document actuel et ajouter une autre classification ne viendrait qu’alourdir inutilement le texte, ajoutant possiblement à la confusion.
POURSUiVRE
La céphalée cervicogénique affecte entre 2.2% et 4.1% de la population, pouvant toutefois atteindre 20% chez les adultes avec céphalée chronique.