3.1 Description3.1.1 Classification3.1.2 Épidémiologie3.1.3 Pathophysiologie3.1.4 Facteurs contributifs3.1.6 Références3.2 Évaluation3.3 Traitement
Posture
Les CGH ont été traditionnellement associées à un port de tête antérieur. L’angle craniovertébral (CVA) est souvent utilisé pour objectiver l’antériorisation de la tête. Le CVA est défini comme étant l’angle entre l’horizontal et une ligne qui va de la pointe de l’apophyse épineuse de C7 au centre du tragus de l’oreille dans une position naturelle de la tête (Figure 12). Le tragus représente le cartilage mou situé juste au-devant du canal auditif.
Figure 12 : L’angle craniovertébral [130].
Il y a controverse dans les études à savoir s’il y a association entre une diminution du CVA, suggérant un port antérieur de la tête, et présence de CGH [36-40] ou cervicalgie [43-46], via l’augmentation hypothétique d’un stress sur les segments de la région cervicale haute [5]. En fait, même une revue de la littérature datant de 2019 n’arrive pas à conclure et suggère que plus de recherches sont nécessaires [131]. Par ailleurs, les études comparant le CVA entre les différents types de céphalées à un groupe contrôle n’arrivent pas à démontrer de différence quant à l’angle observé [36-37]. Et ce, malgré qu’un port antérieur de tête est souvent associé avec une augmentation de la cyphose thoracique ainsi que des épaules enroulées [156].
Ainsi, une posture statique sous-optimale ne semble pas être nécessairement associée à des douleurs cervicales ou à la tête. D’ailleurs une étude prospective n’a pas pu démontrer une association entre posture inadéquate lors de l’adolescence et la présence de douleurs cervicales persistantes plus tard à l’âge adulte [154]. Toutefois, cela s’avère différent pour ce qui est de la posture dynamique lors de tâches de travail. En effet, il a été démontré que lors de tâches de travail, une antériorisation progressive de la tête ainsi qu’une augmentation de la cyphose dorsale est associée à la présence de cervicalgie [41-42]. Un programme de renforcement des fléchisseurs profonds cervicaux a d’ailleurs diminué l’antériorisation progressive observée lors de maintien de positions relatives à certaines tâches assises [41].
L’évaluation de la posture revêt donc une certaine importance, minimalement pour la présence de cervicalgie, mais de façon dynamique plutôt que statique. On devrait ainsi s’attarder à la capacité et aux stratégies d’un patient afin de maintenir une position de travail prolongée adéquate plutôt que la posture en soi. D’ailleurs, un programme d’exercices s’intéressant aux régions cervicales, scapulo-thoraciques, et lombaires dans un optique d’améliorer la posture dynamique s’est avéré efficace pour réduire la fréquence et l’intensité de CGH et améliorer la fonction cervicale [61].
Enfin, notons toutefois que nonobstant le fait que la posture soit optimale ou sous-optimale, le fait d’être plus mobile sur une chaise aide à prévenir des céphalées cervicogéniques [158]. Bref, on devrait toujours être relativement mobile sur une chaise. Dans le même ordre d’idées, le fait de se lever régulièrement devrait être encouragé. Aussi, les bureaux ajustables assis/debout représentent une option très intéressante.
Cet immobilisme relatif, pas nécessairement en position assise toutefois, a également été associé à d’autres conditions chroniques [159-162]. Dans le même ordre d’idées, les gens avec cervicalgie ont tendance à marcher avec le tronc plus rigide [163]. Différents auteurs ont alors suggéré que la variabilité posturale réduite était peut-être un mécanisme de protection. Toutefois, le caractère plus épisodique de la CGH pointe peut-être plutôt vers un lien inverse, c’est-à-dire que cette variabilité est peut-être causale dans la pathophysiologie de la CGH, et non pas une conséquence [164]. Il est intéressant qu’une étude ait établi un lien entre la diminution de la variabilité posturale observée chez les sujets CGH et certains facteurs psychologiques, tels que dépression et anxiété, ainsi la qualité du sommeil, et le temps d’écran [164].
Traumatismes cervicaux

Figure 13 : Accident de voiture motorisé. Source : Wikipedia.
Il semblerait que les accidents de véhicules motorisés (AVM) augmentent la probabilité de souffrir d’une CGH de plus du double (Figure 13) [24]. Toutefois, il est important de savoir que les AVM n’induisent pas nécessairement une CGH lorsqu’une nouvelle céphalée apparaît suite à un AVM, malgré que plus de 90% des gens souffrant de céphalée mentionnent souffrir également d’une cervicalgie [25]. En effet, une étude a observé chez 112 sujets avec céphalée post-traumatique chronique plus de 2 ans post-AVM qu’elles se subdivisent, selon les critères de l’IHS, de la façon suivante: 37% souffrent de TTH, 27% de migraine, 18% de CGH, et 18% sont non-classifiables [25]. Deux autres études prospectives ont également démontré des résultats similaires [26-27]. Toutefois, selon une étude de prévalence, les céphalées post-AVM pourraient être d’origine cervicogénique dans une proportion aussi élevée que 53% [69].
Il faut donc éviter de penser que la présence d’une céphalée post-AVM accompagnée d’une cervicalgie prend nécessairement origine dans la région cervicale. Toutefois, mentionnons qu’une étude a démontré que plus la réduction de l’amplitude cervicale est grande suite à un AVM, plus il y a risque que ce soit effectivement une CGH [66].
Il est intéressant de noter que les cervicalgies chroniques post-AVM ont longtemps été associées à des blessures des tissus mous ou des tissus osseux lors du trauma. Par exemple, il a déjà été question de déchirure des fibres qui retiennent le disque contre le corps vertébral, causant un petit espace d’air (vacuum) ou encore d’une déchirure horizontale du disque intervertébral dans sa portion antérieure (rim lesion) qu’il est possible de visualiser avec des techniques d’imagerie appropriées [132,133].
Toutefois, il a plus tard été démontré que ces anomalies, tout comme l’ensemble des anomalies discales, dont la dégénérescence, se retrouvent également chez une proportion élevée de gens asymptomatiques [135]. Bref, l’association entre blessures des tissus mous et chronicisation de la douleur cervicale post-AVM n’a pas pu être clairement démontrée. Malgré tout, semble y avoir plus d’incidences entre blessures des tissus mous chez les sujets post-AVM que le reste de la population [136]. Par ailleurs, de multiples études apportent des évidences comme quoi différentes blessures peuvent être au moins en partie impliquées dans la pathophysiologie de la chronicisation de la cervicalgie post-AVM, même si elles ne sont pas nécessaires ou spécifiques [137-146].
Dans le même ordre d’idées, il a déjà été suggéré qu’il puisse y avoir des micro-blessures à la moelle épinière responsables des douleurs chroniques post-AVM, sans pour autant présenter de signes et symptômes neurologiques. La difficulté à visualiser ces blessures n’avait pas pu permettre de confirmer ou infirmer cette hypothèse jusqu’à tout récemment. Une étude récente a ainsi mesuré le niveau de certains métabolites présents lors de blessures à la moelle épinière, et n’ont pas pu démontrer de différence entre les gens avec whiplash chronique et groupe contrôle [147]. Bref, l’hypothèse des micro-blessures spécifiques à la moelle épinière vient de perdre quelques plumes.
Conséquemment, puisque les anomalies par imagerie sont très fréquentes dans la population générale non symptomatique, elles ont eu tendance à être mises de côté pour expliquer la pathophysiologie des douleurs cervicales. Toutefois, il y a peut-être une nuance à faire entre blessures acquises et blessures pré-existantes. En effet, il a récemment été démontré que des anomalies pré-existantes peuvent avoir un impact important pour déterminer le niveau de douleur cervicale suite à un trauma éventuel, en particulier la dégénérescence au niveau des articulations facettaires [149]. Par ailleurs, notons que la présence de douleurs pré-existantes sont également associées à une chronicisation de la douleur post-AVM [125].
Comme il n’y a pas toujours des blessures ou douleurs pré-existantes, cela implique qu’il y a nécessairement d’autres mécanismes impliqués. On compte en tête de liste le phénomène de centralisation, tel que démontré notamment par une sensibilité accrue en comparaison à un groupe contrôle, non seulement dans la région de la blessure, mais également généralisée à l’ensemble du corps [134,153]. Notons qu’il est souvent mentionné qu’un déficit d’inhibition endogène de la douleur soit également impliqué dans le phénomène de centralisation. Une étude récente a toutefois suggéré que la facilitation des afférences semble jouer une part plus importante que le déficit de l’inhibition endogène de la douleur, chez des sujets avec douleur cervicale limitant de façon importante la fonction [155].
Par ailleurs, comme il sera ultérieurement discuté, une faiblesse de certains groupes de muscles a été également notée, faisant probablement partie d’un ensemble de modifications d’origine corticale (voir chapitre 3.2).
Un autre facteur possible pour expliquer les douleurs persistantes post-AVM est la présence de blessures au niveau des fibres nerveuses de petit calibre. En effet. Une étude récente a démontré une réduction de la densité des fibres nerveuses dans le derme, expliquant expliquer des douleurs persistantes et l’hypoesthésie thermique que l’on peut souvent observer chez ces patients [123].
Notons également qu’un autre facteur extrêmement important venant contribuer à la chronicisation de la douleur est la présence de composantes psychologiques préalables ou conséquentes à la blessure, telles que l’anxiété et la dépression [148].
Par ailleurs, une étude a tenté de déterminer la présence d’une corrélation entre la chronicisation des symptômes post-AVM et les caractéristiques de l’AVM, telles que la position de la tête lors de l’accident, le déploiement ou non des coussins gonflables, la direction de l’impact, le niveau de dommages de la voiture suite à l’accident, l’état d’éveil lors de l’accident, et l’utilisation ou non de la ceinture de sécurité [124]. Étonnamment, il s’avère qu’il n’a pas été possible d’établir quelconque relation avec ces paramètres quant à la chronicisation de la douleur.
Rappelons que le Quebec Task Force a classifié les désordres de la région cervicale associés à un AVM, en 5 grades de sévérité des symptômes, en fonction de la présentation clinique (Tableau 2).
Tableau 2 : Classification du Quebec Task Force des désordres post-AVM [165].
Enfin, il importe de réaliser que le niveau d’invalidité post-AVM au NDI est prédictif de l’évolution de la condition (Figure 14) [165]. En effet, plus la sévérité de l’invalidité, plus il risque d’avoir des symptômes persistants. En général, c’est dans les 6 premiers mois post-AVM, mais de façon plus marquée lors des 3 premiers mois, que l’amélioration de la condition risque de se faire sentir, pour atteindre un plateau.
Figure 14 : Trajectoires post-AVM selon le score initial au NDI (en %) [165].
Une règle prédictive a ainsi pu être établie à l’aide du score au NDI initial et de l’âge du sujet, en ce qui concerne l’invalidité 12 mois post-AVM [165] :
- NDI <32% et âge <36 : récupération complète
- NDI >40% et âge >34 : invalidité modérée à sévère
L’âge du patient a donc également un impact important dans l’évolution de la condition. Aussi, en fonction de la courbe de récupération relativement brève, on peut facilement en déduire que les soins thérapeutiques ont intérêt à débuter le plus rapidement possible après la blessure initiale.
Syndrome de stress post-traumatique
Il est également important de savoir que suite à un AVM, les patients peuvent présenter des symptômes d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Un SSPT a été démontré comme étant prédicateur d’un mauvais pronostic [98,99]. Une approche multimodale en physiothérapie ne semble pas atténuer ces symptômes, malgré une apparente amélioration de la détresse psychologique [100]. Il est ainsi fortement recommandé de référer le patient de façon à bénéficier d’une approche multidisciplinaire avec des soins psychologiques appropriés [23].
Qu’est-ce que le SSPT exactement?
Figure 15 : Peur de reconduire une voiture après un AVM. Source : Unsplash.
Un SSPT peut être très invalidant pour la personne atteinte. Il désigne un type de trouble anxieux sévère qui se manifeste à la suite d’une expérience vécue comme traumatisante avec une confrontation à des idées de mort. L’expérience traumatisante peut être par exemple de la violence familiale ou encore un incident traumatique, tel qu’un accident de véhicule motorisé. La personne souffrant de ce syndrome va présenter des états anxieux avec évitement et retrait de situations en lien ou non avec l’incident initial, pouvant aller jusqu’à diverses phobies (Figure 15). Des problèmes de sommeil peuvent également survenir, tel qu’insomnie et cauchemars. Des changements de l’humeur seront également régulièrement présents, tel qu’irritabilité et état dépressif.
Le SSPT est important à prendre en charge. En effet, il est connu qu’un SSPT non résolu est associé à une plus grande probabilité de développer un syndrome de douleurs chroniques, tel que la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique, ou encore le syndrome du côlon irritable [101]. On souhaite généralement qu’un SSPT soit rétabli à l’intérieur de 3 mois.
POURSUiVRE
La cause la plus fréquente d’étourdissements d’origine cervicale est probablement en lien avec des perturbations sensori-motrices.