8.5.4 Liens entre sommeil et céphalées8.5.5 Références
Plusieurs études ont d’ailleurs démontré que pratiquement tous les troubles de sommeil sont plus prévalants chez les gens qui souffrent de divers types de céphalées, comparativement aux personnes sans céphalée [58]. Des études épidémiologiques ont bien démontré que les céphalées primaires sont plus fréquentes chez les gens qui souffrent de troubles de sommeil [59-61,66].
Toutefois, les liens entre le sommeil et les céphalées sont complexes. La déprivation volontaire ou conséquente à une mauvaise nuit de sommeil est souvent mentionnée comme une facteur déclenchant de céphalées primaires [68]. Les changements de patron de sommeil sont également un des facteurs déclenchants de céphalées les plus rapportés [62]. À l’inverse, le sommeil est également souvent mentionné comme outil thérapeutique, permettant de casser une céphalée [74]. Quoique les liens entre céphalées et sommeil soient encore mal compris, il y a des évidences suggérant un lien pathophysiologique entre la migraine et différents troubles du sommeil. Il est généralement accepté qu’il y ait minimalement l’implication de mécanismes neurophysiologiques reliés à l’hypothalamus [64].
De plus, certaines régions du tronc cérébral impliquées dans la physiologie du sommeil s’avèrent également impliquées dans la circuiterie identifiée comme étant dysfonctionnelle chez les migraineux [74]. Les migraineux se plaignent ainsi d’insomnie, de réveils fréquents, d’une sensation de ne pas être reposé au lever, et d’hypersomnolence diurne [75-78]. À noter que ces associations persistent après avoir contrôlé pour une anxiété et dépression comme facteurs comorbides [79].
Une des causes proposées pour expliquer qu’un mauvais sommeil puisse causer ou contribuer à des céphalées trouve son origine dans le système glymphatique, récemment découvert [97]. En effet, ce système fonctionne comme un système d’évacuation des déchets. Le cerveau consomme entre 20 et 25% de l’énergie que nous ingérons alors qu’il représente seulement 2% du poids du corps humain [96].
Avec ces statistiques en tête, il devient facile de comprendre qu’il produise une quantité phénoménale de déchets. Jusqu’à la découverte du système glymphatique, il était auparavant pris pour acquis que le nettoyage de ces déchets se faisait via le liquide céphalo-rachidien. Comme ce système fonctionne principalement pendant le sommeil, il est possible que des réveils ou microréveils fréquents puisse interférer avec son bon fonctionnement. L’accumulation de déchets toxiques a ainsi le potentiel d’activer le système nociceptif du système trigémino-vasculaire [98].
Il a également été proposé qu’un retrait de sérotonine associé au sommeil paradoxal puisse être impliqué dans la génération de migraine lors du sommeil [99]. En effet, la production de sérotonine, qui est impliquée dans la régulation de la douleur, est abolie lors du sommeil paradoxal.
Le cerveau migraineux est reconnu pour être sensible à des modifications brusques de son environnement. Tout comme le retrait de sérotonine peut contribuer à une migraine, le retrait de tout autre substance, activité, ou statut peut également être déclencheur. Les migraines du samedi ou lors de la première journée de vacance est bien connu des migraineux. Elles correspondent en fait au retrait d’un stress soutenu lors des activité quotidiennes ou reliées au travail. Ainsi, si un stress important a lieu une journée spécifique, il est bien possible que la baisse du niveau de stress lors du sommeil déclenche une migraine perceptible au lever le lendemain [100].
Évidemment, le sommeil peut être interrompu par une crise douloureuse associée à une migraine. Par conséquent, la relation céphalée/sommeil est donc bidirectionnelle. En fait, environ 2/3 des patients migraineux rapportent se faire réveiller occasionnellement par une céphalée [80,81]. Des études ont démontré que les stades profonds du sommeil sont réduits chez les sujets se faisant réveiller par une céphalée [77,82]. Par ailleurs, les céphalées matinales sont plus fréquentes lorsqu’il y a eu insomnie au moment de l’endormissement [80].
De plus, il est intéressant de noter qu’il a été démontré que la fréquence des migraines diminue avec le traitement de l’insomnie par thérapie cognitivo-béhaviorale [84]. Cela reste à démontrer, mais possiblement que l’amélioration de l’insomnie par d’autres approches aide tout autant à réduire la fréquence des migraines. Il a également été rapporté que la présence d’insomnie soit un facteur prédictif d’anxiété et dépression chez les migraineux [85].
À noter que les céphalées matinales sont beaucoup plus fréquentes chez les personnes âges. En effet, elles surviennent chez environ 16% des migraineux dans la vingtaine, contre 58% chez les sujets de plus de 60 ans [83].
Céphalée hypnique
Quoique qu’une migraine peut se présenter lors du sommeil et réveiller le migraineux, ou être présente au lever, une céphalée matinale n’est pas nécessairement une migraine. Diverses céphalées peuvent être présentes au lever, incluant la céphalée de tension et la céphalée cervicogénique.
En plus du fait que la cessation de la production de sérotonine peut influencer tous les types de céphalées, en raison de son effet sur la régulation de la douleur, n’oublions pas que si la veille une céphalée était présente et qu’un médicament a traité avec succès la céphalée, il est possible que la céphalée réapparaisse lors du sommeil en raison de la cessation de l’effet du médicament [100]. Par exemple, l’effet des triptans est d’environ 24 heures alors que l’ibuprofène a une durée d’action aux alentours de 6 heures seulement.
Mentionnons toutefois le cas particulier de la céphalée hypnique :
4 Autres céphalées primaires4.4 Céphalée hypnique
La céphalée hypnique est une céphalée primaire caractérisée par son apparition soudaine pendant le sommeil, sensiblement toujours à la même heure. Elle est typiquement de courte durée, généralement bilatérale, quotidienne ou quasi-quotidienne, et beaucoup plus fréquente chez les sujets de plus de 50 ans [86]. La prise de caféine avant la période d’endormissement peut parfois aider. Comme alternative pharmacologique, le lithium, l’indométhacine, et la mélatonine peuvent également s’avérer utiles.
Céphalée de l’apnée du sommeil
Autant chez les adultes que chez les enfants, en plus de l’insomnie, les céphalées matinales ont été associées à des difficultés respiratoires, au ronflement, et au syndrome d’apnées obstructives du sommeil [87-90].
Le SAOS a d’ailleurs sa propre céphalée associée dans la classification de l’IHS, étiquetée céphalée liée à l’apnée du sommeil :
Cette céphalée est d’une durée de 30 minutes à 4 heures. Selon les critères de l’IHS, elle doit être présente au lever et doit être ressentie comme une pression bilatérale, sans nausée, photophobie ou phonophobie [56]. Ce qui confirme le diagnostic est la causalité avec le SAOS. C’est-à-dire qu’elle doit suivre une évolution temporelle avec la pathologie et être corrigée par le traitement approprié du SAOS [57]. Ce serait entre 15% et 60% des apnéiques qui souffriraient de ce type de céphalée [63]. Quoique la cause exacte de cette céphalée reste toutefois à déterminer [55], elle semble en lien direct avec l’hypoxémie et hypercapnie causée par le SAOS [91,92].
10 Céphalée attribuable à un désordre de l’homéostasie10.1 Céphalée attribuable à un état d’hypoxie et/ou d’hypercapnie10.1.4 Céphalée liée à l’apnée du sommeil
C’est donc en bonne partie la résolution de la céphalée avec le traitement du SAOS qui permet de conclure que le syndrome d’apnée était bien la cause de ce type de céphalées.
Par ailleurs, sans parler spécifiquement des céphalées matinales, le SAOS ne s’est pas avéré plus prévalent chez les migraineux que dans la population générale [93,94]. Par ailleurs, les études ayant vérifié l’effet du CPAP dans un but thérapeutique pour des céphalées primaires journalières ont donné des résultats mitigés [65].
Toutefois, une étude récente a démontré que si les sujets migraineux sont sous-regroupés selon leur fréquence, il y aurait plus de risque d’être sujet SAOS chez les migraineux chroniques en comparaison aux migraineux épisodiques [95]. Il est donc possible d’envisager que le CPAP soit plus efficace chez un sous-groupe de migraineux chroniques.
Enfin, il est important de savoir que les opioïdes peuvent contribuer à provoquer de l’apnée d’origine centrale chez certains sujets à risque [101].
POURSUiVRE
Liste des références utilisées dans la section 7.5 Troubles du sommeil
3 commentaires
Je suis migraineuse chronique ( 1x semaine). Les céphalées hypniques interviennent 2 fois par nuit, après 2-3h de sommeil. Coucher 23h endormissement sans problème, 1er réveil céphalée 2-3h paracetamol , 4-5h 2ème céphalée réveil paracetamol et je me rendors si je peux.
J’ai essayé le masque, les bêta-bloquants, l’aspirine qui marchent pendant à 5 nuits et puis retour à la case départ.
J’en suis revenue aux paracetamol ou ibuprofène à dose réduite mais quotidienne.
Quelqu’un peut m’aider ?
Merci d’avance.
Si ce sont bien des céphalées hypniques, comme mentionné dans le texte, d’autres approches pharmacologiques peuvent aider comme la caféine, le lithium, la mélatonine, etc. Il faudrait valider le diagnostic si ce n’est pas déjà fait et voir avec votre médecin pour trouver une médication qui pourra vous aider.
Merci Éric,
Diagnostic établi.
La caféine marche à condition de ne pas l’utiliser régulièrement. Une nuit sur trois . La neurologue n’est pas enthousiaste pour le lithium et elle pense que la melatonine aggraverait les migraines.
Impasse…