La céphalée hypertensive a été décrite depuis déjà plus d’un siècle [125]. Notons que nous faisons référence ici à une céphalée en lien avec une tension artérielle élevée, donc qui n’a pas de lien avec la céphalée de tension (TTH). Pour éviter toute confusion, il est probablement souhaitable d’utiliser le terme choisi par l’IHS, c’est-à-dire la céphalée attribuable à la tension artérielle.
Au fil du temps, il y a eu controverse quant à l’existence de cette céphalée. On a en effet proposé qu’il s’agissait d’un mythe [124]. Plus spécifiquement, on mentionne que ce mythe a été entretenu par le fait, notamment, que la médication anti-hypertensive s’avère parfois efficace pour la prévention des céphalées. On mentionne également que certaines études ont démontré une association inverse entre tension artérielle et le risque de développer une migraine ou autre céphalée [126,127].
Le fait est que les études sont effectivement très contradictoires sur le lien entre l’hypertension artérielle (HTA) et la possibilité de développer une céphalée. L’inverse est bien démontré toutefois, c’est-à-dire que les migraineux ont plus de risque de développer une HTA [127].
Quoiqu’il en soit, cette céphalée est maintenant bien acceptée et se retrouve dans la classification de l’IHS :
10.3 Céphalée attribuable à la tension artérielle [128] :A. Toute céphalée remplissant les critères CB. Hypertension artérielle, avec pression systolique ≥180 mm Hg et/ou pression diastolique ≥120 mm Hg, qui a été démontréeC. Évidence de causalité démontrée par un ou l’autre, ou les deux items suivants :1. la céphalée est apparue d’une façon temporelle avec l’hypertension2. un ou l’autre, ou les deux items suivants :a) la céphalée s’est significativement empirée avec l’augmentation de la tension artérielle ;b) la céphalée s’est significativement améliorée avec la baisse de la tension artérielle ;
D. Aucun autre diagnostic de l’ICHD-3 ne correspond mieux.
La céphalée attribuable à la tension artérielle (CHTA) est généralement bilatérale, frontale ou occipitale, et pulsatile. Elle apparaît brusquement, et est associée à une augmentation rapide de la pression artérielle. La céphalée se résorbe lorsque la pression est normalisée [129,129].
Plusieurs sous-catégories de CHTA existent en fonction du lien avec certaines pathologies spécifiques qui peuvent causer cette céphalée. Notons qu’une CHTA n’est pas obligatoirement liée à une de ces pathologies.
10.3 Céphalée attribuable à la tension artérielle [128] :
10.3.1 Céphalée attribuable à un phéochromocytome10.3.2 Céphalée attribuable à une crise hypertensive sans encéphalopathie10.3.3 Céphalée attribuable à une crise hypertensive avec encéphalopathie10.3.4 Céphalée attribuable à la pré-éclampsie ou l’éclampsie10.3.5 Céphalée attribuable à une dysréflexie autonomique
Certaines de ces céphalées vont causer une céphalée en coup de tonnerre, c’est-à-dire d’apparition très brusque et violente. Sans entrer dans les détails de tous ces sous-catégories de CHTA, il faut se souvenir qu’une céphalée en coup de tonnerre, qu’elle soit accompagnée d’une hypertension artérielle ou non, représente une urgence médicale. Un diagramme a été proposé pour aider à la catégorisation des CHTA (Figure 13).
Céphalée attribuable à un phéochromocytome
Fait intéressant, la céphalée attribuable à un phéochromocytome présente une céphalée en coup de tonnerre alors que la pathophysiologie ne se situe pas au niveau de la tête, mais plutôt au niveau de la glande surrénale, et est parfois provoquée par le fait d’uriner [130].
Céphalée attribuable à une dysréflexie autonomique
La céphalée attribuable à une dysréflexie autonomique peut survenir suite à une blessure de la moelle épinière, parfois rapidement mais parfois plusieurs années plus tard. On retrouve alors des symptômes autonomiques, c’est-à-dire une sudation au-dessus du niveau de la blessure à la moelle épinière, qui est souvent accompagnée de problèmes visuels, nausées, sensation de serrement à la poitrine, paresthésies, et parfois perte de conscience [131].
Céphalée attribuable à la pré-éclampsie ou l’éclampsie
La pré-éclampsie est une HTA qui apparaît dans la deuxième moitié de la grossesse, associée à une protéinurie [133]. Le terme pré-éclampsie fait référence au fait qu’il s’agit d’une condition clinique qui, lorsqu’elle n’est pas prise en charge, peut évoluer vers l’éclampsie, laquelle se manifeste par l’apparition de convulsions et constitue une situation d’urgence vitale.
La pré-éclampsie affecte de 2 % à 8 % des grossesses, selon les pays et l’ethnie [134]. Il s’agit d’une cause majeure de mortalité maternelle dans les pays en voie de développement [135]. Son incidence tend à augmenter dans les pays développés, probablement en rapport avec les facteurs de risque, notamment l’obésité et le diabète [136].
Il n’y a pas nécessairement de céphalée qui accompagne la pré-éclampsie, mais lorsqu’elle est présente, on retrouve normalement deux des trois critères suivants :
- Bilatérale;
- Pulsatile;
- Empirée par l’activité physique.
D’emblée, lorsqu’une pré-éclampsie est accompagnée d’une céphalée, la pré-éclampsie est jugée sévère [137]. Une céphalée correspondant aux critères chez une femme enceinte dans la deuxième moitié de la grossesse devrait ainsi immédiatement référée chez le médecin.
À noter que les femmes préalablement migraineuses sont plus à risque de développer ces désordres hypertensifs [127,137]. Et la présence d’une pression artérielle élevée chez une femme enceinte, toutes causes confondues, est liée à un risque plus élevé de l’ordre de 17 fois de développer une céphalée secondaire [138].
L’hypertension artérielle et la migraine
Comme précédemment mentionné, les migraineux ont plus de risque de développer une HTA [127]. Des évidences existent pour suggérer que ces deux conditions sont comorbides [127,139]. Toutefois, la diminution de la tension artérielle chez des migraineux hypertensifs ne semble pas corréler avec une amélioration du statut migraineux [140].
La relation entre migraine et tension artérielle semble plutôt complexe. Les mécanismes sous-jacents sont encore à mettre à jour. Une piste proposée concerne les vaisseaux sanguins des migraineux qui seraient plus rigides et donc moins réactifs aux changements de pression que chez la population générale [141].
Références
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