2. Généralités2.1 Histoire2.2 Classification2.3 Épidémiologie2.7 Étourdissements2.8 Formulaires
Les céphalées ne sont pas connues d’hier. Il semblerait que certains écrits sur les céphalées sont datés de l’an 3000 avant J.-C. alors que l’écriture est apparue sensiblement dans les mêmes dates [1]. Les Égyptiens ont par ailleurs décrit la migraine aux alentours de 2500 avant notre ère [1]. Un des premiers traités de médecine, le papyrus d’Ebers, interprété comme l’émergence de la pensée médicale dans un univers religieux ou magique, voyait les céphalées comme étant liées à l’intervention d’un démon. Le traitement proposé était toutefois loin d’être contemporain : on plaçait une statuette en forme de crocodile sur la tête, attachée avec une écharpe de laine sur laquelle des incantations étaient inscrites (Figure 1) [9].
La trépanation

Figure 1 : Traitement de la migraine par les Égyptiens. Source : Wikipedia.
Par ailleurs, des crânes datant de 7000 ans avant J.-C. ont été découverts avec des signes de trépanation [2]. Dans la Grèce Antique, Hippocrate aurait d’ailleurs décrit la trépanation, cette dernière étant une opération chirurgicale qui consiste à pratiquer un trou, grâce à un appareil appelé trépan, dans la boîte crânienne, ou à enlever un morceau d’os crânien afin d’accéder au cerveau. La trépanation est la forme la plus ancienne de chirurgie dont il existe des preuves réelles. Cette pratique semble avoir été assez généralisée à la surface du globe. En effet, des crânes ainsi troués ont également été découverts au Pérou dans des ruines Incas, datant d’environ 1200 ans après Jésus-Christ [10].
Autrefois, on effectuait des trépanations sur les patients atteints de fractures du crâne, de convulsions, d’épilepsie, ou de troubles psychiatriques (Figure 2).
La trépanation était vue comme un moyen de faire sortir les esprits malins qui occupaient un hôte. Les morceaux d’os découpés servaient ensuite d’amulette protectrice.

Figure 2 : Crâne ayant subi une trépanation. Source : Wikipedia.
Dans certains ouvrages tibétains, la trépanation est présentée comme un moyen d’ouvrir le troisième œil. Dans certaines civilisations disparues, il semble que la trépanation ait été associée aux déformations crâniennes pratiquées dès la prime enfance sur certains sujets afin de marquer des différences hiérarchiques, sociétaires ou de clan d’un groupe d’individus par rapport à d’autres.
Évidemment, on sait maintenant que plusieurs aspects de la trépanation s’avèrent non fondés. Malgré tout, il est intéressant de noter qu’elle est également utilisée de nos jours dans certains peuples primitifs. D’ailleurs, vous pouvez voir à cette adresse un extrait du film Hole in the Head, montrant un médecin Kisi, en Afrique, performer une telle chirurgie, à froid et sans anesthésiques (ATTENTION ÂMES SENSIBLES) :
https://www.youtube.com/watch?v=2VDmjtK4hNc
La pratique de cette technique démontre bien le désespoir de certaines personnes aux prises avec des céphalées et qui recherchent un soulagement à tout prix. Notons enfin qu’elle est également utilisée de nos jours en médecine moderne. En effet, elle est utilisée notamment dans le traitement de l’hypertension intracrânienne, quoique sous un autre nom et avec une approche quelque peu plus sécuritaire.
Les connaissances contemporaines
Au fil des époques, les connaissances se sont par la suite graduellement précisées. Thomas Willis en 1672 a écrit le premier traité moderne sur la migraine et proposait une origine vasculaire, par dilatation des vaisseaux sanguins crâniens [11]. Partant de ce constat, plusieurs personnes ont proposé des solutions de façon à tenter de diminuer le calibre des vaisseaux sanguins cérébraux. Les techniques de traitement sont demeurées toutefois plutôt particulières et souvent inefficaces.

Figure 3. Le manège Gravitron.
Par exemple, Erasmus Darwin, le grand-père de Charles Darwin, à la fin des années 1700, proposait de placer le patient dans une centrifugeuse pour acheminer le sang de la tête vers les pieds, similaire au principe du manège Gravitron (Figure 3) [3].
D’autres faisaient chauffer des globes de verre qu’ils appliquaient ensuite sur des incisures pratiquées au niveau des tempes (Figure 4). De cette façon, lorsque le verre refroidissait, il s’en suivait une succion, aspirant le sang des tempes dans les globes, dans l’espoir de soulager les céphalées [13].
Figure 4. Traitement de la migraine au XVIIième siècle [13].
À la fin des années 1800, certains écrits font mention de l’effet antimigraineux des extraits d’ergots du seigle, un champignon ascomycète parasite du seigle et diverses autres céréales (Figure 5) [4]. En 1918, l’ergotamine est isolée de l’ergot et en 1938, John Graham et Harold Wolff démontrent que l’ergotamine fonctionne par vasoconstriction, ce qui semble ainsi prouver la théorie vasculaire de la migraine [5].

Figure 5 : L’ergot de seigle. Source : Wikipedia.
À noter que déjà un effet vasoconstricteur de l’ergot de seigle ait été mis à profit dès les années 1700. En effet, il semblerait que l’ergot de seigle ait été utilisé à l’époque par les sages-femmes pour diminuer les saignements [14]. C’est un peu particulier de constater que l’ergot de seigle ait ainsi été utilisé quand on sait qu’il a probablement contribué au « pain maudit », où une série d’intoxications alimentaires frappa la France, causant la mort et l’internement psychiatrique de plusieurs personnes [15].
On sait maintenant que l’ergot de seigle contient divers alcaloïdes, dont l’ergotamine, mais aussi l’acide lysergique dont est dérivé le célèbre hallucinogène de l’époque du Flower Power : le LSD [16].
En 1943, la dihydroergotamine est synthétisée et commence à être prescrite presque aussitôt dans le célèbre Mayo Clinic [5]. Enfin, une autre classe de médicaments, les triptans, font leur apparition au début des années 90 avec la naissance du sumatriptan [2].
Toutefois, il est devenu clair avec les études réalisées par la suite que la cause vasculaire ne tenait pas la route. Il y a bien des changements vasculaires qui accompagnent la migraine, mais ceux-ci font suite à des changements neurologiques. Michael Moskowitz a ainsi proposé en 1991 la théorie trigémino-vasculaire de la migraine, selon laquelle la douleur migraineuse serait en lien avec une inflammation des parois des vaisseaux sanguins situés à la base du cerveau [12].
Pour ce qui est des céphalées cervicogéniques, il aura fallu attendre jusqu’en 1983 pour que Sjaastad sorte la région cervicale de la pénombre comme cause potentielle de céphalées, article extrêmement important pour la physiothérapie [6]. En 1990, il décrit les critères avec plus de précisions [7] et en 1992, Nikolaï Bogduk, célèbre anatomiste, vient ajouter beaucoup de poids à cette hypothèse, en confirmant les liens anatomiques entre le nerf trijumeau et les trois premières racines nerveuses cervicales, même si pourtant les études démontrant ces liens avaient déjà été démontrées par Kerr dans les années 40 [8].
Références
- Lance JW. Mechanisms and management of headache, 4th Edition. 1982; London: Butterworth Scientific.
- Silberstein SD, Lipton R, Goadsby P. Headache in Clinical Practice 2nd Edition. 2002; Informa HealthCare.
- Lyons A, Petrucelli RJ. Medicine: an illustrated history. 1978; New York: Harry N. Abrams Inc.
- Silberstein SD, McCrory DC. Ergotamine and dihydroergotamine: history, pharmacology, and efficacy. Headache 2003;43:144–166.
- Silberstein SD. The pharmacology of ergotamine and dihydroergotamine. Headache 1997;37:S15-S25.
- Sjaastad O, Saunte C, Hovdahl H, Breivik H, Grønbaek E. Cervicogenic headache. An hypothesis. Cephalalgia 1983;3:249–256.
- Sjaastad O, Fredriksen TA, Pfaffenrath V. Cervicogenic headache: Diagnostic criteria. Headache 1990;30:725-726.
- Bogduk N. The anatomical basis for cervicogenic headache. Journal Manipul Physiol Ther 1992;15:67-70.
- Borghouts J. The magical texts of Papyrus Leiden 1348. 1972; EJ: Brill.
- Bellavance A. Les céphalées d’origine cervicale: Laisser sortir les démons. Le Médecin du Québec 2002;37:113-121.
- Sacks O. Migraine: Evolution of a common disorder. 1970; Londres: Faber & Faber.
- Moskowitz MA. The visceral organ brain: Implications for the pathophysiology of vascular head pain. Neurology 1991;41:182-186.
- Silberstein SD, Stiles A, Young WB, Rozen TD. An Atlas of Headache. 2002 : The Parthenon Publishing Group.
- Henri S. Dame Dupille, sage-femme à Cahumont-en-Vexin en 1774 : De l’ergot de seigle au Méthergin. Les dossiers de l’obstétrique 1997:24 :21-28.
- Cabut S. Les étanges symptômes du pain tueur de Pont-Saint-Esprit. Le Monde 2014. https://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/07/31/le-pain-tueur-sevit-a-pont-saint-esprit_4465400_1650684.html [Accédé le 28 mars 2020].
- Gicquel T, Lepage S, Morel I. Histoire du LSD. DDe l’ergot de seigle à l’utilisation thérapeutique. Presse Med 2015:44:832-836.
POURSUiVRE
Plusieurs classifications sont utilisées pour les céphalées et douleur orofaciales. Les plus importantes seront présentées.