Beaucoup de phénomènes neurologiques surviennent lors de la migraine. Un des plus important concerne le système trigémino-vasculaire (STV). Il est constitué principalement d’axones périphériques de type Aδ et C du nerf trijumeau qui atteignent les méninges et artères intracrâniennes, et qui convergent vers le noyau trigémino-cervical (NTC). Bref, il s’agit des fibres nociceptives trigéminales étant spécifiquement reliées aux méninges et vaisseaux sanguins intracrâniens. Rappelons que le NTC correspond aux cellules les plus caudales du noyau du trijumeau auxquelles se joignent les racines postérieures des segments C1 et C2 de la moelle épinière [135,136].
Par ailleurs, lorsque le STV est activé, il est connu pour relâcher différentes molécules, telles que le peptide associé au gène de la calcitonine (CGRP) et la substance P, des médiateurs de la douleur et vasodilatateurs [137,138]. Cette activation du NTC est soupçonnée être initiatrice de la cascade d’événements causant la douleur migraineuse [139,140]. De ces molécules, le marqueur le plus utilisé pour objectiver l’activation du STV est le CGRP. Les études du niveau de CGRP plasmatique chez des sujets CGH et TTH ont démontré qu’il n’y pas de différence chez ces derniers en comparaison avec des sujets sains, suggérant que le système trigémino-vasculaire ne soit pas impliqué dans ces deux types de céphalées, contrairement à la migraine [2,3].
En fait, lorsque le CGRP est relâché par le STV, il provoque ainsi vasodilatation et inflammation dans les méninges. On compare parfois cette vague de CGRP comme l’équivalent de mettre du poivre de cayenne sur le cerveau. Bref, ce relâchement de CGRP va stimuler des récepteurs, qui vont à leur tour envoyer des influx nerveux vers le NTC qui seront relayées vers le cerveau afin de traiter l’information, menant finalement à la douleur migraineuse.
Le CGRP est maintenant spécifiquement visé par des nouvelles approches thérapeutiques, telles que les vaccins anti-CGRP, les ditans, et les gépans. Toutefois, une étude récente a identifié un sous-groupe de migraineux qui ne présente pas d’augmentation du CGRP lors des crises migraineuses [319]. Par ailleurs, on sait depuis peu qu’une vasodilatation des vaisseaux intracrâniens, quoique fréquente, n’est pas nécessaire au développement d’une céphalée lors d’une crise migraineuse [239]. Ce sous-groupe représenterait environ 20% des migraineux. Fait intéressant, ce sous-groupe semble nettement moins souffrir de photophobie et phonophobie. Il faut donc comprendre que la pathophysiologie de la migraine peut être variable d’un individu à l’autre, expliquant au moins en partie la grande variabilité de réponses à divers traitements.
D’ailleurs, il y a des évidences scientifiques démontrant que la médication antimigraineuse, telle que les triptans [153,154], les dérivés de l’ergot de seigle [155,156], et les antagonistes des récepteurs CGRP [157,158] peuvent spécifiquement moduler l’activité dans le NTC, ce qui peut en partie expliquer leur effet abortif sur la migraine. Ce n’est donc possiblement pas uniquement via un effet vasoconstricteur que certains de ces médicaments se voient efficaces pour contrer une attaque migraineuse.
En effet, nous savons que le STV est également lié de façon réflexe au noyau salivaire supérieur, situé dans la région pontique du tronc cérébral. Ce dernier permet une innervation parasympathique aux tissu vasculaire cérébral via le ganglion ptérygopalatin [151]. Par ces voies, l’activation du STV induirait une décharge parasympathique aux artères intracrâniennes, contribuant à accentuer la vasodilatation [318]. C’est peut-être par un effet sur ces voies que ces certains médicaments procurent ainsi un soulagement.
Bref, la pathophysiologie de la migraine n’est pas unique et cela peut permettre d’illustrer la grande variabilité aux traitements, en plus des nombreux gènes identifiés en lien avec la migraine, qui peuvent être différents d’un individu à l’autre. Il y a encore tant à découvrir mais petit à petit nous arrivons et arriverons à mieux cerner cette pathologie.
Références
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