Le diagnostic d’étourdissement cervicogénique repose essentiellement sur un processus d’exclusion. Il n’existe pas encore pour le moment de gold standard. Quelques tests spécifiques ont toutefois été proposés, soit le test de proprioception cervicale joint position error, le test de torsion cervicale, et le test de différentiation tête-cou. Seuls les deux derniers seront présentés ici puisque le test de proprioception cervicale joint position error sera décrit dans le chapitre qui concerne l’évaluation des céphalées cervicogéniques.
Test de torsion cervicale
Toutefois, un test a été proposé pour permettre d’identifier un étourdissement d’origine cervicogénique : le test de torsion cervicale [31]. Toutefois, pour être effectué de manière adéquate, ce test requiert l’utilisation d’un vidéonystagmographe, qui n’est malheureusement pas accessible dans la plupart des cliniques de physiothérapie.
Ainsi, les mouvements des yeux sont enregistrés à l’aide du vidéonystagmographe alors que la fixation visuelle est inhibée. Lorsque le patient est assis confortablement sur une chaise pivotante, on tourne son tronc d’un côté tout en gardant sa tête immobile dans l’espace. La quantité de rotation permise est utilisée, mais elle doit être au minimum de 45 degrés, jusqu’à concurrence de 90 degrés [40]. Le sujet revient ensuite au centre, pour tourner cette fois de 45-90 degrés vers l’autre côté, toujours en maintenant sa tête fixe dans l’espace. Chaque position est maintenue 30 secondes et le test est considéré positif s’il y a un nystagmus qui est provoqué dans au moins une des 4 positions, excluant un nystagmus spontané.
Le rationnel est qu’en tenant le tête fixe, et en bougeant le tronc, on stimule les récepteurs cervicaux, mais pas le système vestibulaire. Ainsi, logiquement, si le test est positif, une composante cervicale aux étourdissements est plus probable. Le test a ainsi su différencier des sujets VPPB et des sujets avec étourdissements cervicogéniques [31].
Évidemment, cela n’exclue pas une composante vasculaire. Et il a été suggéré que certaines personnes saines peuvent présenter des nystagmus lors de test en raison de la possible activation du réflexe cervico-oculaire [36,37]. La reproduction de symptômes lors du test a ainsi été proposée comme outil discriminatif [37]. Il pourrait donc être utilisé dans la clinique sans vidéonystagmographe, mais avec les yeux fermés. Une étude lui a attribué une spécificité de 98% lorsqu’utilisé de cette façon [40]. Toutefois, étrangement, ils ont utilisé un groupe de personnes asymptomatiques pour arriver à ces résultats, utilisant le test de différentiation tête-cou présenté ci-bas pour discriminer une composante cervicale d’une autre source de symptômes. Il faudrait probablement une autre étude sur des sujets symptomatiques en comparaison à des sujets non symptomatiques, pour valider ces résultats.
Test de différentiation tête-cou
Ce test comporte deux parties. Le patient est positionné sur une chaise pivotante, yeux fermés. La première étape consiste à tourner la tête d’un côté à l’autre, dans un plan horizontal, pendant 30 secondes, à une fréquence d’environ 90 battements par minute [40]. Dans le fond, cela correspond ni plus ni moins a au test de headshake horizontal, pour détecter une dysfonction vestibulaire périphérique.
S’il y a reproduction de symptômes, il a été suggéré de procéder ensuite à la deuxième partie du test afin d’isoler la composante symptomatique. Ainsi, on va procéder à un mouvement en bloc du corps entier sur la chaise pivotante, ainsi qu’à un mouvement isolé du tronc, similaire au test de torsion cervicale, ces deux derniers mouvements s’effectuant à une fréquence de 60 battements par minute. Le mouvement en bloc du corps entier va évidemment être spécifique au système vestibulaire, alors que le mouvement isolé du tronc va être plus spécifique à une composante cervicogénique. On pourrait penser que puisque la position n’est pas soutenue, ce test est moins à risque que le test de torsion cervicale d’être biaisé par une composante vasculaire.
Raisonnement clinique
Toujours en fonction du fait que les étourdissements cervicogéniques sont essentiellement un diagnostic par élimination, un algorithme a été suggéré (Figure 4). Ainsi, il est suggéré qu’il y ait tout d’abord présence d’une pathologie cervicale pour considérer des étourdissements d’origine cervicogénique. Certains chercheurs considèrent en fait qu’une douleur cervicale doit être présente [42] mais ce point est contesté [43].
Ensuite, divers tests sont effectués au besoin pour éliminer fracture, instabilité ligamentaire, et problématique neurologique ou vasculaire. Après s’être assuré de la sécurité de la poursuite de l’évaluation, des tests vestibulaires sont effectués. Si l’examen se révèle négatif, ou qu’il y a des indications pointant vers une composante cervicogénique, un examen biomécanique cervical détaillé ainsi que les tests pour étourdissements cervicogéniques sont alors effectués.
Puisqu’une pathologie cervicale ne mène pas nécessairement à des symptômes douloureux, les physiothérapeutes occupent ici un rôle privilégié afin de déterminer s’il peut y avoir une dysfonction contribuant possiblement aux symptômes. Une étude a d’ailleurs démontré un lien entre un test de flexion-rotation positif et un nystagmus lors du test de torsion cervicale [44].
Traumatismes
Selon cet algorithme, il apparait que des accidents de véhicules motorisés ou autres traumas à la tête ou au cou risque d’être un facteur aggravant pour des étourdissements cervicogéniques. Et c’est exactement ce que les études suggèrent [45]. Toutefois, il faut être conscient que d’autres causes d’étourdissements peuvent être présents suite à un trauma. Par exemple, une commotion labyrinthique. Notons que cette dernière inclut souvent un ensemble de symptômes, tels que perte d’audition, acouphènes, en plus des étourdissements. Évidemment, des étourdissements d’origine mixte sont toujours possible.
D’ailleurs, l’ajout de thérapie manuelle cervicale à la rééducation vestibulaire améliore la récupération suite à une commotion cérébrale avec douleur cervicale persistante et étourdissements [46]. De plus, on retrouve également une meilleure récupération post-commotionnelle si l’on ajoute des exercices oculo-moteurs à la rééducation vestibulaire [47].
Bref, vaut mieux évaluer de façon approfondie tous les systèmes pouvant être impliqués et traiter en conséquence plutôt que d’appliquer une recette !
Références
- [31] L’Heureux-Lebeau B, Godbout A, Berbiche D, Saliba I. Evaluation of paraclinic tests in the diagnosis of cervicogenic dizziness. Otology Neurotol 2014;35:1858-1865.
- [36] Norre ME. Cervical vertigo. Diagnostic and semiological problem with special emphasis upon « cervical nystagmus. » Acta Otorhinolaryngol Belg 1987;41:436-452.
- [37] Herdman S, Clendaniel RA. Vestibular Rehabilitation. 4th ed. 2014: Philadelphia; Davis Co.
- [40] Treleaven J, Joloud V, Nevo Y, et al. Normative responses to clinical tests for cervicogenic dizziness: Clinical cervical torsion test and head-neck differentiation test. Phys Ther 2020;100:192-200.
- [41] Brandt T, Huppert D. A new type of cervical vertigo: Head motion-induced spells in acute neck pain. Neurology 2016;86:974-975.
- [42] Heikkila H. Cervical Vertigo In: Grieve’s modern manual therapy: The vertebral column, 3rd edition. 2004; Edinburgh: Churchill Livingstone.
- [43] Hain TC. Cervical vertigo. https://dizziness-and-balance.com/disorders/central/cervical/cervical.html [Accédé le 5 sept 2020].
- [44] Zamyslowska-Szmytke E, Adamczewski T, Ziaber J, et al. Cervico-ocular reflex upregulation in dizzy patients with asymmetric neck pathology. Int J Occup Med Environ Health 2019;32:723-733.
- [45] Takasaki H, Johnston V, et al. Driving with a chronic whiplash-associated disorder: a review of patients’ perspectives. Arch Phys Med Rehab 2011;92:106-110.
- [46] Schneider KJ, Meeuwisse WH, Nettel-Aguirre A, et al. Cervicovestibular rehabilitation in sport-related concussion: A randomized controlled trial. Br J Sports Med 2014;48:1294-1298.
- [47] Mucci V, Meier C, Bizzini M, et al. Combined Optokinetic Treatment and Vestibular Rehabilitation to Reduce Visually Induced Dizziness in a Professional Ice Hockey Player After Concussion: A Clinical Case. Front Neurol 2019;10:1200.