C’est le premier d’une série de trois articles écrits pour Migraine Canada.
Il n’y a pas encore beaucoup d’études pour vérifier l’efficacité de la physiothérapie sur la migraine. Toutefois, les études réalisées jusqu’à présent suggèrent que certaines approchent soient aussi efficaces que la médication prophylactique. Par ailleurs, la physiothérapie semble prendre une place de plus en plus importante au sein de l’arsenal thérapeutique pour le traitement de la migraine.
La migraine est une pathologie neurologique. Comment la physiothérapie peut possiblement aider cette pathologie ?
En fait, plusieurs mécanismes peuvent être en jeu :
- Des douleurs peuvent êtres référées de la région cervicale en raison des liens anatomiques entre les structures nerveuses cervicales et le nerf trijumeau, qui innerve notamment les régions frontale, temporale et oculaire, ces dernières étant souvent touchées par les crises migraineuses. Plus spécifiquement, un relais dans le système nerveux central (le noyau trigémino-cervical) est commun au nerf trijumeau et aux trois premières racines nerveuses cervicales, ce qui fait en sorte que le cerveau n’est pas toujours en mesure de déterminer avec précision l’origine exacte des influx nerveux. Une problématique cervicale peut ainsi causer une douleur dans la région de l’oeil, par exemple.

La théorie de la convergence
- Lors d’une problématique cervicale, le noyau trigémino-cervical, à force d’être bombardé d’influx nerveux, peut devenir plus excitable. C’est comme s’il devenait à fleur de peau. Ceci va avoir pour conséquence de laisser passer plus facilement d’autres influx nerveux en provenance du nerf trijumeau qui n’auraient pas été relayés vers le cerveau en temps normal. Cette augmentation de l’excitabilité est bien connue chez les migraineux. Par extension, toute autre région problématique innervée par le nerf trijumeau peut également contribuer à augmenter l’excitabilité du noyau. Par exemple, les dysfonctions temporo-mandibulaires sont fortement associées à la migraine.
- Plusieurs muscles du cou et de la tête ont le potentiel de causer des douleurs irradiées dans le territoire douloureux usuel de la crise migraineuse. On retrouve alors un endroit dans le muscle qui peut reproduire ces douleurs à la palpation, nommé point gâchette. Ceci représente un des mécanismes identifiés dans la pathophysiologie de la céphalée de tension, mais il n’est pas exclusif à cette dernière. Les migraineux sont en effet connus pour avoir plus de points gâchettes que la population générale.
Ainsi, probablement via les différents mécanismes énumérés ci-haut, il est possible de voir différentes dysfonctions articulaires et/ou musculaires comme facteurs déclenchants de la migraine chez certaines personnes. Il ne faut pas oublier qu’au moins 420 déclencheurs différents ont été recensés.
Est-ce qu’il y a différentes approches en physiothérapie ?
Tout à fait. Compte tenu des différents mécanismes en jeu, plusieurs approches peuvent être considérées. En voici une liste non exhaustive :

Est-ce qu’une approche est meilleure qu’une autre ?
Différents niveaux de preuve existent pour ces différentes approches. Toutefois, il ne faut pas oublier que les migraineux sont tous uniques et chaque personne va réagir différemment à différentes approches thérapeutiques. La tendance actuelle suggère que la meilleure approches consiste en fait à maîtriser plusieurs de ces approches et à se concentrer sur le traitement des dysfonctions spécifiques qui ont été mises en évidence lors de l’évaluation.
Par exemple, un migraineux qui mentionne avoir régulièrement des crises migraineuses après avoir lu quelques pages d’un livre suggère de vérifier en détail sa posture de lecture, mais également les structures mises en tensions par ces postures, sans oublier de vérifier la fonction oculo-motrice. Notons que des antécédents d’accident de véhicule motorisé et/ou de commotion cérébrale induisent régulièrement des dysfonctions oculo-motrices.
À quel point la physiothérapie doit être personnalisée ?
À la lumière de ce qui vient d’être mentionné, il est évident que l’évaluation et le traitement doivent être personnalisés pour le traitement des céphalées, en particulier pour la migraine. Il n’y a pas de protocole standardisé. Différents aspects ont été jugés plus importants que d’autres par un regroupement international d’experts, mais il demeure que chaque migraineux est différent et une évaluation allant en détail pour chacun des aspects possibles d’évaluer serait trop volumineux. Le raisonnement clinique est donc très important pour que le physiothérapeute puisse juger des tests pertinents à considérer.
À quoi dois-je m’attendre d’une évaluation en physiothérapie pour la migraine ?
Il faut donc s’attendre à se faire observer, à faire une panoplie de mouvements du cou, du corps et des yeux, ainsi qu’à se faire toucher un peu partout dans la région de la tête, incluant l’intérieur de la bouche. Il est possible aussi de faire différents tests neurologiques et/ou vasculaires, en plus de poser des questions sur différents aspects de santé, la prise de médication, le sommeil, etc. Enfin, notons qu’il est souhaitable de ne pas être en crise aigüe lors de l’évaluation, lorsque possible, car ceci risque de restreindre la possibilité de faire certains tests.
Références
- Luedtke K, Allers A, Schulte LH, May A. Efficacy of interventions used by physiotherapists for patients with headache and migraine-systematic review and meta-analysis. Cephalagia 2016;36:474-92.
- Luedtke K, Boissonnault W, Caspersen, et al. International consensus on the most useful physical examination tests used by physiotherapists for patients with headache: A Delphi study. Man Ther 2016;23:17-24
- Fernandez-de-las-Penas C, Chaitow L, Schoenen J. Multidisciplinary Management of Migraine. 2013; Jones & Bartlett Learning.
- von Piekartz H. Craniofacial Pain: Neuromusculoskeletal Assessment, Treatment and Management. 2007; Butterworth-Heinemann.