Comme il a précédemment mentionné, pour l’évaluation des céphalées, compte tenu des symptômes qui se chevauchent, il est parfois difficile de catégoriser de façon certaine un sujet. Aucune des observations que nous avons citées ne permet de déterminer la présence d’une composante cervicogénique à coup sûr. Par exemple, pour la mobilité physiologique, il a été déterminé que les sujets CGH ont une perte de l’extension et des rotations. Toutefois, l’âge et la dégénérescence influence notablement la mobilité en extension. Il devient donc difficile d’utiliser ce critère comme outil discriminatoire. Un autre problème se pose pour l’évaluation de la mobilité accessoire puisqu’elles sont malheureusement fréquentes sans nécessairement que les gens présentent des symptômes. Idem pour la force des fléchisseurs profonds. Bref, utiliser un seul test ne vaut malheureusement pas grand-chose. Il a été déjà mentionné également qu’il est préférable de voir le tableau général et que l’addition de plusieurs observations suggérant une CGH renforce l’hypothèse d’une composante cervicale
Une étude a ainsi vérifié s’il était possible de cibler les sujets CGH à l’aide d’un ensemble d’observations [4]. Il a été déterminé que c’était effectivement possible avec le fait de présenter l’ensemble de ces 3 observations :
- Mobilité physiologique réduite (extension et/ou rotation);
- Dysfonction cervicale haute;
- Perte de force au CCFT.
En fait, ils ont proposé une sensibilité de 100% et spécificité de 94% pour identifier une CGH. Ça semble peut-être un peu fort comme sensibilité ! De l’expérience du présent auteur, certaines personnes ayant des dysfonctions cranio-vertébrales ne présentent pas de perte de mobilité physiologique. Certaines personnes ne semblent pas non plus présenter de faiblesse des fléchisseurs profonds. Ces sujets devraient donc restreindre la sensibilité. Évidemment, les résultats peuvent dépendre de l’échantillon sélectionné. Par ailleurs, le nombre de candidat CGH dans cette étude était de 18 sujets, pour un total de 73 sujets. C’est raisonnable comme échantillon mais loin d’être infaillible. Néanmoins, on voit clairement que le fait d’additionner les observations permet d’accroître la certitude d’un diagnostic. Malheureusement, l’étude n’a pas été répliquée pour confirmer les observations.
Plus récemment, une étude s’est intéressée à ces conclusions. Leur idée a été de comparer ce regroupement d’observations à des sujets avec blocs diagnostiques, le gold standard pour déterminer la présence d’une CGH [353]. Sur 30 sujets, 10 ont répondus aux blocs. Précisons que les blocs ont été exécutés seulement au niveaux C2/C3 et C3/C4, en raison des risques associés à des blocs aux segments supérieurs. Ils ont donc éliminé les sujets avec une dysfonction C1/C2 à l’aide du FRT. C’est donc la perte d’extension qui a été évaluée dans cette étude. En résumé le regroupement de tests est le suivant :
- Mobilité physiologique réduite en extension;
- Dysfonction cervicale haute;
- Perte de force au CCFT;
- FRT négatif.
Il s’avère qu’ils ont été en mesure de valider que le regroupement des tests sus-mentionnés est en mesure de reconnaître une origine cervicale aux symptômes. Évidemment, c’est super intéressant. Mais encore plus intéressant est le fait que dans les 10 sujets qui ont répondu aux blocs figure 3 sujets diagnostiqués migraineux et 1 sujet TTH. Une composante cervicale a donc possiblement été négligée chez ces patients. Ce qui laisse croire que le pourcentage souvent rapporté entre 1 et 4% de sujets CGH est peut-être nettement sous-estimé, ou qu’au minimum une composante cervicale est peut-être présente et que les sujets ont en fait des céphalées mixtes. Bref, la région cervicale n’est pas à négliger !
Notons que dans cette étude, l’effet placebo de l’injection a été contrôlé. En effet, les sujets recevaient en fait 2 séries d’injection, une avec de la lidocaine 2% et une autre avec de la bupivacaine 0.5%. Pour être considéré efficace, le bloc avec la lidocaine devait d’une part diminuer la douleur de plus de 70%, et d’autre part le bloc avec la lidocaine devait avoir diminué davantage la douleur qu’avec la bupivacaine.
Évidemment, on pourrait croire que l’effet chez les migraineux soit en raison d’une modulation de l’excitabilité du NTC. Sans dire que c’est impossible, les auteurs avancent qu’ils jugent que ce soit peu probable en raison du fait que c’est plutôt le nerf grand occipital qui est connu pour influencer son excitabilité.
N’oublions pas que le FRT est très efficace pour détecter une dysfonction C1/C2, qui a été mis de côté pour l’étude que nous venons de discuter. Une autre étude a d’ailleurs déterminé que la combinaison d’une dysfonction C1/C2 avec une perte de flexibilité du muscle petit pectoral permettait de détecter 80% des sujets CGH [10]. Enfin, une dernière étude chez des personnes âgées a également permis de détecter la majorité des sujets CGH en combinant perte d’extension cervicale et présence d’une dysfonction C1/C2 [354].
Abstract
OBJECTIVES: Neck pain commonly accompanies recurrent headaches such as migraine, tension-type and cervicogenic headache. Neck pain may be part of the headache symptom complex or a local source. Patients commonly seek neck treatment to alleviate headache, but this is only indicated when cervical musculoskeletal dysfunction is the source of pain. Clinical presentation of reduced cervical extension, painful cervical joint dysfunction and impaired muscle function collectively has been shown to identify cervicogenic headache among patients with recurrent headaches. The pattern’s validity has not been tested against the ‘gold standard’ of controlled diagnostic blocks. This study assessed the validity of this pattern of cervical musculoskeletal signs to identify a cervical source of headache and neck pain, against controlled diagnostic blocks, in patients with headache and neck pain DESIGN: Prospective concurrent validity study that employed a diagnostic model building approach to analysis. SETTING: Hospital-based multidisciplinary outpatient clinic in Joliet, Illinois. PARTICIPANTS: A convenience sample of participants who presented to a headache clinic with recurrent headaches associated with neck pain. Sixty participants were enrolled and thirty were included in the analysis. OUTCOME MEASURES: Participants underwent a clinical examination consisting of relevant tests of cervical musculoskeletal dysfunction. Controlled diagnostic blocks of C2/C3-C3/C4 established a cervical source of neck pain. Penalised logistic regression identified clinical signs to be included in a diagnostic model that best predicted participants’ responses to diagnostic blocks. RESULTS: Ten of thirty participants responded to diagnostic blocks. The full pattern of cervical musculoskeletal signs best predicted participants’ responses (expected prediction error = 0.57) and accounted for 65% of the variance in responses. CONCLUSIONS: This study confirmed the validity of the musculoskeletal pattern to identify a cervical source of headache and neck pain. Adopting this criterion pattern may strengthen cervicogenic headache diagnosis and inform differential diagnosis of neck pain accompanying migraine and tension-type headache.
Références
- [4] Jull G, Amiri M, Bullock-Saxton J, et al. Cervical musculoskeletal impairment in frequent intermittent headache. Part 1: subjects with single headaches. Cephalalgia 2007;27:793-802.
- [10] Zito G, Jull G, Story I. Clinical tests of musculoskeletal dysfunction in the diagnosis of cervicogenic headache. Man Ther 2006;11:118-129.
- [353] Getsoian SL, Gulati SM, Okpareke I, Nee RJ, Jull GA. Validation of a clinical examination to differentiate a cervicogenic source of headache: A diagnostic predictions model using controlled diagnostic blocks. BMJ Open 2020;10:e035245.
- [354] Uthaikhup S, Sterling M, Jull G. Cervical musculoskeletal impairment is common in elders with headache. Man Ther 2009;14:636-641.